mardi 30 novembre 2010

Le premier jour du reste de ma vie.

Demain, une page se tourne. Plusieurs même. Enfin, on ne peut pas savoir avant d'avoir pris assez de distance pour mesurer le chemin parcouru. Cela fait 4 mois et demi que je suis à Buenos Aires. Que j'y vis, que j'y respire, et que malgré tout, j'y souris. D'un côté je me revois encore en train de pleurer dans les bras de mes amis et de ma famille à l'aéroport Saint-Exupéry de Lyon, mais de l'autre... je n'ai absolument pas vu le temps passer. Me dire que je suis là depuis tout ce temps me donne le vertige. J'ai déjà consommé un tiers de mon année à l'étranger. Que faire du reste? Que garder de cette fraction qui à l'échelle d'une vie ne représente rien.
Je me souviens de mon arrivée. Passer de 40°C entourée de sourires de proches et d'amitié à 0°C, seule dans une métropole étouffante et assourdissante... ça remue. Ca bouleverse même. Je me souviens des petits-déjeuners en tête à tête avec Marine en train de penser à la France. A ce que nous avions laissé. Les jours ont passé et on a commencé à parler de ce qu'on voulait faire le jour même. Quelques jours plus tard, on prévoyait le programme de la semaine suivante. Et c'est ça, s'intégrer. Evoluer dans l'espace où l'on se trouve actuellement, et pas imaginer ce qu'on aurait fait au même moment dans "son" monde, dans son cocon...
Les premiers temps, le temps passe lentement. Les minutes défilent en nous narguant. Elles te montrent à quel point l'année, l'absence et la solitude vont être longues. Puis les cours commencent, les heures s'enchaînent et à courir comme une folle de partout, car il faut s'adapter au rythme de vie local, les jours et les semaines s'écoulent inexorablement.
Je n'ai jamais autant grandi que durant ces quelques mois. Je le sais, je le sens, et j'ai même l'impression que ça se voit. Mentalement bien sûr, mais aussi physiquement. J'ai le sentiment d'être en pleine mutation, de me voir me métamorphoser me fait peur mais aussi me rend fière. Moi qui n'aimait pas parler aux inconnus, m'exprimer en public, me renseigner... j'ai bien été obligée de sortir de mon mutisme. Ici, quand tu as un pépin, tu es seul face à lui. Personne à qui déléguer ton souci, personne pour se charger de ton problème à ta place. J'ai du communiquer. J'ai du parler aux propriétaires pour visiter une vingtaine d'appartements, j'ai du expliquer ma douleur à la pharmacie, j'ai du parler aux professeurs, aux élèves, j'ai du demander un ticket de métro, de train... J'ai du aller acheter à manger, j'ai du demander mon chemin... Au fil des rencontres avec les gens, même pour quelques secondes, j'ai peu à peu, écaille après écaille, fissuré ma carapace.
J'ai du parler. Et plus tard, j'ai voulu parler. Je commence à me surprendre à ne pas rechigner à parler à quelqu'un dans le train ou le métro. A demander des renseignements dans une boutique. A ne plus prendre la parole comme un obstacle mais comme une aide indispensable à la construction de relations sociales. Je ne peux pas dire que j'ai totalement changé sur ce point. Mais dans les conversations de la vie quotidienne disons, j'ai moins peur de m'exprimer.
Buenos Aires me semble moins impressionnante aujourd'hui. J'ai marché dans ses rues, parcouru les différents quartiers, pris en photos des paysages et des émotions. J'ai pris possession des lieux. J'ai laissé le plan à la maison, je me suis fiée à ce que je savais de cette ville. Finalement, je lui ai donné ma confiance. Je l'ai laissé me guider. J'ai pris ses bus et ses métros, autant d'aventures qui tissent un lien avec un lieu. J'ai croisé des personnes et je leur ai souri souvent. J'ai arrêté de compter les "amarillas" que je croisais (Fred, tu comprendras). Ici, il y en a une multitude. C'est tellement riche de découvertes humaines.
On relativise et on a honte aussi. On change notre perception du monde. On comprend par les faits et non plus par les hypothèses, qu'on a de la chance de vivre en Europe. Ici, les gens qui dorment dans la rue sont très nombreux. La journée, ils vendent toute sorte de choses dans le métro, le train ou dans la rue. J'essaie d'acheter ce dont j'ai besoin à eux plutôt que dans un centre commercial. La pauvreté est criante et omniprésente. On voit les gens dormir sur des "matelas" de cartons et de papiers journaux. On voit les personnes malades, trop pauvres pour avoir une couverture maladie, demander de l'aide dans le métro. Les sans-domiciles redoublent d'imagination pour "attirer" leurs concitoyens. Ils jouent de la musique partout, ils distribuent des chewing-gums ou des cartes religieuses, ils font du théâtre dans le métro, ils emmènent même des instruments de musique et des amplis dans les wagons pour improviser un "concert", ils font des tours de magie en faisant participer le "public malgré lui"... Vivre dans ce tissus d'inégalités n'est pas toujours facile. Quand on donne sa monnaie de ticket de train à quelqu'un, on se demande combien d'autres attendent cette même pièce dans cette ville sans fin. On culpabilise d'être là en tant que privilégiée sans pouvoir faire beaucoup plus que distribuer des sourires et des pièces.
Une fois la journée terminée, les mendiants parcourent les rues de la ville et font les poubelles. Ils trouvent là de la nourriture plus ou moins consommable et aussi des cartons, on les appelle les "cartoneros". Je connais un homme qui a installé son lit de fortune à côté du restaurant italien en face de chez moi pour récupérer les plats non consommés. Les propriétaires du restaurant l'ont maintenant repéré et il m'a alors expliqué qu'ils faisaient exprès de ne pas mettre à la poubelle ce que les clients laissaient dans leur assiette pour lui donner. C'est pourquoi, cet homme continue de dormir en face du restaurant, pour pouvoir manger ce que ses concitoyens ont laissé. Cette petite solidarité me redonne un peu espoir, car même si c'est une goutte d'eau... elle permet à un homme de manger tous les soirs.
Cet article n'est pas très réjouissant, je m'en excuse, mais ce sont aussi les réalités de cette immersion, et il ne faut pas les ignorer, au contraire. De plus, je suis dans une phase relativement descendante depuis quelques jours. Le moral n'est pas au beau fixe et j'espère que ma nouvelle maison et mon installation vont le faire remonter rapidement!
Merci de me lire et de suivre mes aventures. Je pense bien à vous, et surtout, même si je suis une quiche et que je n'ai pas encore trouvé le moyen de mettre les liens des blogs des autres sciences-potes sur mon blog, je vous conseille de les visiter aussi. Comment me direz-vous? BA CHACUN SA MERDE. Nan. Je n'ai pas changé, rassurez-vous!

samedi 20 novembre 2010

Nouvelles de l'autre côté de l'océan.



Depuis la mort de Nestor Kirchner, je n'ai pas écrit ici, non, rassurez-vous, ce n'était pas une période de deuil! Simplement, beaucoup de choses se sont enchaînées après ces évènements. J'ai eu beaucoup de travail et j'en ai encore énormément actuellement. J'attends impatiemment les vacances d'été qui sont dans trois semaines pour pouvoir profiter de ma vie d'expatriée. J'aimerais vraiment voyager, découvrir des tas d'endroits différents et rencontrer des personnes aux histoires rares et précieuses. J'ai eu la chance de fêter mes 20 ans accompagnée des deux Claire à Iguazu et depuis, cette envie de voyage est exacerbée. Nous avons passé un merveilleux week-end toutes les trois à contempler les merveilles que nous offrent la nature. J'en profite pour les remercier pour ce magnifique moment en leur compagnie.


Au niveau des cours tout se passe bien, je continue à avoir de bonnes notes et je suis contente de voir que mon travail porte ses fruits. Car, c'est vrai qu'ici ce ne sont pas des vacances. Il y a énormément de choses à lire, à digérer, à intégrer et les partiels écrits ou oraux ne sont pas évidents. J'ai vraiment envie de m'intégrer au groupe de travail et de ne pas être un poids dans les cours, alors je m'investis beaucoup en dehors pour combler le déficit initial.


Autre nouvelle importante: je déménage le premier décembre! Je passe de Palermo au quartier de Belgrano. En effet, je ne supporte vraiment plus mes voisins (qui font un bruit pas possible d'ailleurs au moment où je vous parle). Ce sont des jeunes aussi comme moi, sauf qu'ils ont un jour de travail par semaine et ils font donc des fêtes tous les soirs, enfin, toutes les nuits. Et quand moi je dois me lever à 6h du matin, c'est très dur. En plus, notre propriétaire a des ennuis avec les migrations, alors j'ai préféré prendre les devants plutôt que de me retrouver mise à la rue du jour au lendemain. Le point négatif c'est que je ne pourrais plus habiter avec Lhuanys parce que c'est très difficile de trouver un endroit pour deux personnes. Nous avons donc trouvé quelque chose chacune de notre côté. Pour ma part je vais habiter dans une maison avec 5 autres étudiants. La maison est jaune fluo ce qui m'a tout de suite plu! Elle est située à 5 minutes d'une station de train en direction de ma faculté, ce qui me rapproche énormément et ce qui va donc me faire gagner du temps. La maison est très grande, au rez-de-chaussée se trouvent la cuisine et le salon et les 2 étages supérieures sont l'endroit où il y a les chambres et les salles de bain. J'aurais donc une chambre individuelle (et ça, ça fait plaisir aussi) avec un lit double (le must), le wifi, une armoire, un bureau et une fenêtre qui donne sur une petite terrasse toute mignonne! Enfin, je suis tombée amoureuse de ce bâtiment et j'espère donc que je vais m'y plaire. En tout cas, le propriétaire est très gentil et très attentionné, ce qui m'a aussi donné confiance!


Que vous raconter de plus? Ici, l'été arrive plutôt à grands pas. Il fait de plus en plus chaud, je suis déjà en débardeur. J'ai donc pu profiter de mon premier anniversaire sous 40°C, et c'était plutôt perturbant! D'ailleurs, je n'ai pas l'impression d'avoir 20 ans, car justement je pense que nous sommes conditionnées à localiser des évènements dans un espace temps déterminé. Là, j'ai du mal à me situer dans l'année! Me dire que je vais faire Noël et Nouvel An sur la plage aussi, c'est surprenant... Mais ça fait rêver aussi!


En ce moment, j'ai une petite baisse de moral qui doit être due je pense au retour de mon excursion fabuleuse avec mes deux Claire. Le retour à la capitale bruyante et polluée a été difficile. Après avoir passé 3 jours dans la campagne, vous savez, là où on entend les oiseaux chanter... le retour au bruit des klaxons et autres sirènes en tout genre a été violent. J'ai vraiment le sentiment que je ne m'habituerais jamais à ce bruit ambiant, à cette vie à 1000 à l'heure, à cette capitalomanie aigüe. Mais, ceci dit, quand je suis en période de "haut", je m'émerveille de chaque façade que je croise. Le moral joue énormément sur le ressenti général que l'on peut avoir.


Hier soir, je suis allée voir Harry Potter 7 au cinéma toute seule. C'était bizarre. Mais c'est une autre expérience. Pour ce qui est du film, j'ai vraiment beaucoup aimé. Je trouve qu'il est plus fidèle au livre que les autres productions antérieures, j'espère que la deuxième partie de ce volet sera à la hauteur. J'ai découvert un sucédané de M&M's, les rocklets qui sont tout aussi bons, mais moins chers!


J'ai du mal à me faire des relations durables ici. Tout semble superficiel. C'est sûrement le fait de savoir que de toute façon ce lien sera éphèmére, je ne sais pas, mais je n'ai pas le contact facile, du coup, je suis sûrement plus froide en sachant que ça ne sert à rien de lier de grandes amitiés. Toujours est-il que je me sens assez seule en ce moment... Bref, arrêtons de déprimer!


Je reviendrais plus vite pour écrire un nouvel épisode de ma vie ici. Je vous embrasse tous très fort où que vous soyez sur notre belle planète.