L'espagnol d'Espagne n'est pas en vigueur ici. L'argentin me semble une langue à part. Un mélange entre l'espagnol et le brésilien. Ici, le "tu" se dit "vos" et la conjugaison des verbes à cette personne change aussi! Cependant, c'est assez beau à entendre, il ne me reste plus qu'à me familiariser à cette coutume. Depuis mon dernier article, j'ai continué le rythme de mes cours. Ils sont très intéressants, mais la charge de lecture hebdomadaire est énorme dans chaque matière.
Je ne sais pas si c'est du à l'intégration forcée des secteurs populaires à la politique pendant les années 1970, mais, les argentins ont un avis sur beaucoup de choses. Ils sont cultivés et agréables à écouter. Ils semblent tous avoir des histoires à raconter, des anecdotes sur le passé. L'histoire du continent est récente et parfois même encore brûlante, ainsi, presque toutes les générations ont une expérience politique plus ou moins avancée, ce qui est intéressant.
La ville, d'origine coloniale, est donc construite selon un plan symétrique hallucinant. Les rues sont toutes parallèles et perpendiculaires. Chaque croisement de rues constitue une "cuadra", c'est-à-dire un pâté de maisons. Ici, nous comptons les distances en cuadras! A partir de 8 cuadras, pour moi, ça fait loin à pied! Surtout depuis que ce dernier est bleu et gonflé!
Oui, pour ceux qui n'auraient pas suivi mes péripéties de près ces derniers jours, je me suis fait une entorse à la cheville. Outre la douleur, cet incident m'a appris que cela se disait "torcedura en el tobillo", ce qui, ma foi, peut toujours être utile! J'ai juste bêtement manqué une marche de l'escalier en colimaçon qui mène à la terrasse de notre immeuble, où se trouve la machine à laver.
Ce week-end, je suis allée me promener dans le quartier chinois de la ville, le Barrio Chino qui se situe dans le quartier de Belgrano, à l'ouest du quartier où j'habite. Il est vraiment très petit, comparativement à celui que j'ai eu la chance de voir à Londres. Il se résume à 2 ou 3 rues, autour de l'axe Mendoza et de la station de train Belgrano R.
Les boutiques sont nombreuses, mais proposent toutes la même chose. Il n'y a que très peu d'objets proprement asiatiques dans les rayons. Ce ne sont que des babioles généralement moins chères que dans d'autres magasins, mais aussi et surtout des éléments décoratifs kitchissimes, du chat en faïence à la Tour Eiffel qui brille. Oui, la Tour Eiffel!
Il me semble que le quartier chinois est petit car dans cette ville, toutes les origines se mélangent à tous les coins de rue. Il n'y a pas besoin de concevoir un quartier dédié à une "communauté étrangère" ou à un "groupe social", car Buenos Aires est hétérogène.
En flânant dans les rues, on peut découvrir des odeurs de kebabs, de sushis et de parillas. Des boutiques de vêtements traditionnels Mapuches côtoient des grandes marques. Il y en a pour tous les goûts dans chaque quartier.
En parlant de quartier, j'aimerais m'étendre un peu sur celui de La Boca. Ce quartier est situé au Sud de la ville et plus particulièrement du Microcentro, aux alentours du port. Il est, par les faits, considéré comme dangereux et malfamé. Le seul endroit où les touristes "peuvent" aller est le Caminito. C'est une sorte de rue censée représenter le centre historique du tango argentin. Le choix de mes mots n'est pas anodin. Je dis "censée représenter" car pour moi, tout a le goût du faux. Certes, les façades colorées et les boutiques de bricoles rustiques sont mignonnes. Certes, sur les terrasses des cafés, des couples dansent le tango. Certes, l'ambiance est festive... Mais, malgré tout ça, ça sent la représentation théâtrale. Cela m'a fait penser au Paradis des Enfants - ou quelque chose dans ce goût là - dans Pinnochio. La façade est belle, les gens s'amusent, sont heureux, prennent des photos et s'émerveillent. Et le soir venu, tout redevient sombre et lugubre, ne laissant que des vestiges de cette effervescence festive éphémère. Pour arriver au Caminito, malgré les recommandations des porteños, nous avons du passer par d'autres rues de La Boca. Ca fait froid dans le dos. Les maisons tombent en ruines, les chiens sont maigres et errent dans la rue, des hommes chuchotent dans des coins sombres et le silence du quartier est glacial. Et, au détour d'une rue... le Caminito. Comme un pot de peinture posé au milieu d'un édifice décrépi.
La Boca m'intrigue, et tout me dit que le Caminito, ce n'est pas La Boca.
Illustration: façade d'une maison de La Boca.